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Cette lettre manuscrite de quatre pages est conservée dans un des recueils de la Correspondance du Ministre Secrétaire d’État de la Marine et des Colonies au Gouverneur des Établissements français de l’Océanie. Le Ministre est le baron de Mackau, Vice-Amiral, Pair de France ; le Gouverneur est Armand Bruat, installé dans ses fonctions depuis le 9 novembre 1843.

Cette lettre est datée du 11 février 1845. Elle est arrivée à Tahiti le 12 septembre 1845 par le navire Fortune. Le Ministre y répond aux derniers rapports qu’il a reçus de Bruat, datées des 14 juin, 8 et 16 juillet 1844. Pour cet échange de courrier, il s’est passé presque sept mois entre Papeete et Paris, puis encore sept mois entre Paris et Papeete.

En février 1845, le Ministre apprend d’une part que des combats ont eu lieu à Haapape et Faaa à la fin de juin 1844, et que d’autre part, la Reine s’est enfuie à Raiatea le 12 juillet à bord du navire anglais Carysforth.

La lettre commence par un témoignage de satisfaction sur la manière dont Bruat se comporte vis à vis des commandants des navires anglais qui font relâche à Tahiti : “Dans les lettres que vous leur avez écrites pour leur signaler la responsabilité qui s’attachait à toutes leurs manifestations et à leurs démarches comme dans les réponses que vous avez faites aux réclamations qu’ils élevaient contre diverses dispositions prises par vos ordres, vous avez montré la fermeté nécessaire, en même temps que la circonspection convenable, que je n’ai qu’à renouveler, à cette occasion, l’expression de la satisfaction que je vous ai déjà témoignée pour le caractère de vos correspondances avec les officiers de la Marine britannique“.

Viennent ensuite des remarques sur le journal L’Océanie Française. Le capitaine du navire anglais Basilisk (sur lequel la Reine s’était réfugiée en janvier 1844 avant de s’exiler à Raiatea) s’est plaint des articles publiés contre lui. Ce journal, écrit et réalisé par M. de Ginoux, avait commencé à paraître le 5 mai 1844, avec l’aval de Bruat. Mais ce dernier avait répondu aux protestations anglaises en renvoyant la responsabilité des propos sur le signataire de l’article. Le Ministre est mécontent : “Vous n’avez pas, il faut bien le reconnaître, mis entièrement le bon droit de votre côté. Il était trop évident que cette feuille, sortie d’une presse lithographique dont vous disposez absolument, ne pouvait rien avoir admis que de votre consentement. Je crois superflu d’insister, à cette occasion, sur les observations que vous a transmises ma dépêche du 25 octobre dernier“. De fait, Bruat avait envoyé au Ministre le premier exemplaire du journal, et à sa réception, celui-ci lui avait demandé expressément de mettre fin à sa publication pour la raison qu’avec cette feuille, trop de monde était informé des événements qui se déroulaient à Tahiti avant le Gouvernement français à Paris. Conformément à cette directive, L’Océanie française ne paraissait plus depuis le 28 juin 1845.

Le troisième sujet abordé se rapporte aux “deux nouveaux combats que l’état de l’insurrection a rendus malheureusement nécessaires“. “Je vous ferai connaître, par une dépêche particulière, les noms des officiers qui se sont le plus distingués à Hapape et Faa, et auxquels Sa Majesté a bien voulu, sur mon rapport, accorder des récompenses.”[1]

Le baron de Mackau félicite ensuite Bruat d’avoir proposé à la Reine de revenir aux termes du Protectorat, l’annexion prononcée par Du Petit-Thouars ayant été désavouée à Paris. “L’essentiel était de ne rien faire qui compromît l’avenir, quant au maintien de notre pavillon et de nos forces militaires à Papéïti.” Bruat a devancé, “avec la plus heureuse inspiration, les ordres que l’on vous portait“. Mais le Ministre est prudent, car il sait que, en sept mois, quand le Gouverneur recevra sa lettre, la situation aura évolué.

Pour terminer, Bruat est invité à lire les comptes rendus des débats des deux chambres, au mois de janvier, à propos de l’Océanie : “Le gouvernement y a exposé sa politique dans des termes que je n’ai pas besoin de recommander à vos méditations, afin que vous vous unissiez plus étroitement encore à sa pensée et à ses vues pour le présent et pour l’avenir“.

On peut avoir une idée des critiques portées contre le Gouvernement à Paris en lisant, dans les Chroniques de la Quinzaine, les commentaires sur les débats à la Chambre des Pairs. C’est Guizot, le Ministre des Affaires étrangères, qui est interpellé : “Et Taïti, croyez-vous que ce soit là une affaire terminée ? Ne craignez-vous pas toujours d’apprendre des complications imprévues ? Quand pourrez-vous nous dire que le sang de nos soldats a cessé de couler ? Quand cesserez-vous de craindre un nouveau conflit qui pourrait remettre en question la dignité de la France ? […] La sécurité n’est pas à Taïti.[2] La politique de Guizot mécontente une partie de la classe politique : “M. Pritchard a fait massacrer nos soldats ; nous ne lui demandons rien, et nous lui payons une indemnité. Voilà ce que M. Guizot a eu le triste courage d’appeler un échange de ménagements et de concessions réciproques. Ajoutez que M. Pritchard, indemnisé et triomphant, est envoyé près de Taïti, aux îles des Navigateurs[3], où il predra un poste supérieur à celui qu’il occupait : voilà comment l’Angleterre le punit de ses violences. M. d’Aubigny[4] est blâmé ; M. Pritchard reçoit de l’avancement, et de plus une indemnité. Voilà ce qu’on appelle de la réciprocité et de la justice !

Depuis juillet 1844, Bruat s’est efforcé de faire fonctionner les institutions du Protectorat, officiellement rétabli par le contre-amiral Hamelin le 7 janvier 1845. En l’absence de la Reine, c’est Paraita qui a été nommé Régent. Mais les déclarations de l’Amiral anglais Seymour sur le statut des Îles Sous-le-Vent, le 12 août 1845, va remettre de l’huile sur le feu et relancer les hostilités

Ministre À Gouv 11 02 1845 1
Ministre À Gouv 11 02 1845 2
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[1]     Ces combats ont été relatés par Bruat dans sa lettre du 8 juillet 1844. Ainsi Hitoti sera décoré de la Légion d’Honneur.

[2]     Chronique de la quinzaine, 14 janvier 1845.

[3]     Les îles Samoa.

[4]     C’est d’Aubigny qui a fait arrêter Pritchard à Papeete, en l’absence de Bruat qui se trouvait à Taravao.

Titre : « 85. – TAHITI – Danseurs Tahitiens – Otéa Dancers »

Auteur : Marie-Charles Georges SPITZ (Tahiti 1879-1894)

Éditeur: Éditions G. SPITZ, Tahiti

Période : 1881-1894

Type : Carte postale

Description : En ligne et disposés sur deux rangées, les danseurs attendent patiemment leur tour. Ils sont vêtus d’un pantalon agrémenté d’une « more » à la taille, et d’une chemise à rayures. Les manches des chemises ayant été retroussées, le costume est plus décontracté. Chaque danseur porte une couronne végétale à la tête. Au premier plan, un peu détaché du groupe, un danseur porte un petit drapeau ; certainement celui de la troupe. Au centre, et moins discipliné, se trouve le musicien accompagné d’un enfant et de quatre adolescents. La tenue est la même à l’exception pour certains qui portent un chapeau. Quant au lieu, on ne saurait dire où ce cliché pris par Charles SPITZ, photographe à Tahiti de 1879 à 1894, a été pris. En arrière-plan, pas de bâtiment administratif, mais ne petit chemin de terre où se dresse une petite demeure fait de bois qui surplombe le paysage. Un homme, arrêté sur ce chemin, observe discrètement le groupe.

Identifiant : Z14-003-00750

Source : Fonds Gutzwiller, Collection Archives PF

Droits : Droits réservés

17 JUIL 2017 Z14 003 00750

Titre : « TAHITI – – Danse nationale des Canaques de Moorea »

Auteur : Max-François BOPP DU PONT (Tahiti 1904-1914)

Éditeur: Édition Marché Colonial

Période : 1906-1914

Type : Carte postale

Description : Fêtes du 14 Juillet, Papeete. Alignés les uns derrière les autres et reconnaissables par leur costume constitué d’un pantalon blanc à doubles bandes, d’une chemise décorée de galons et d’un képi orné de fibres végétales, les danseurs de la délégation de Moorea apparaissent tel un cortège militaire. Le groupe est divisé en deux parties s’affrontant face à face aux rythmes des tambours. La chorégraphie est telle une figure gymnastique. Sur le côté, à gauche, veille un homme vêtu de blanc, probablement le chef de danse. La population parée de sa plus belle tenue, longue robe pour les femmes, costumes pour les hommes, est attentive à leur prestation. « A l’époque, on écrivait « canaque », sans aucune intention péjorative, pour désigner les indigènes ».

Identifiant : Z14-003-00715

Source : Fonds Gutzwiller, Collection Archives PF

Droits : Droits réservés

Z14 003 00715

Titre : « TAHITI –. Danses des Vahinées de Papeete au 14 Juillet »

Auteur : Max-François BOPP DU PONT (Tahiti 1904-1914)

Éditeur: Édition Marché Colonial

Période : 1906-1914

Type : Carte postale

Tahiti, Place du Gouvernement, Fêtes du 14 Juillet. Installées sur deux lignes côte à côte, un groupe de « Vahinées » (« vahine ») effectue sa prestation devant une grande assemblée endimanchée. Elles sont toutes vêtues d’une longue robe « missionnaire » blanche avec, à la taille, une ceinture végétale, probablement faite de « auti » (Cordyline fruticosa). Un long collier au cou, fait de coquillages ou de graines, et une couronne de fleurs à la tête viennent parfaire leur costume. Au centre de ces deux rangées, une danseuse se promène entre les deux rangées, certainement la chef du groupe (« ra’atira »).

Identifiant : Z14-003-00710

Source : Fonds Gutzwiller, Collection Archives PF

Droits : Droits réservés

15 JUIL 2017 Z14 003 00710

Titre : «TAHITI – Hyménés de Mooréa à Papeete, le 14 Juillet »

Auteur : Max-François BOPP DU PONT (Tahiti 1904-1914)

Éditeur: Édition Marché Colonial

Période : 1906-1914

Type : Carte postale

Description : Place du Gouvernement, Fêtes du 14 Juillet. A l’occasion des festivités du 14 Juillet, Papeete reçoit les représentants de chaque district, mais aussi des délégations des Îles-Sous-le-Vent venus participer aux concours de chants et de danses. Pour ces fêtes, une troupe de danseurs et de chanteurs de Moorea s’est jointe aux célébrations. En attendant leur tour, chanteurs et danseurs prennent la pose sous l’œil attentif du photographe Max-François Bopp Du Pont. Les hommes, arborant une allure militaire, sont vêtus d’un pantalon blanc à double bandes et d’une chemise à manches longues rehaussées de galons. Une partie de ces derniers portent un chapeau, tandis que l’autre un képi orné de fibre végétale. Les femmes, quant à elles, rentent fidèles au costume de l’époque. Une longue robe « missionnaire » blanche et une couronne de tête en fibre végétale constituent leur costume. Sur la gauche, un musicien assis sur l’herbe, simplement vêtu d’un pantalon, d’une chemise à manches longues et coiffé d’un chapeau, attend patiemment à côté de son tambour (« pahu »).

Identifiant : Z14-003-00700

Source : Fonds Gutzwiller, Collection Archives PF

Droits : Droits réservés

14 JUIL 2017 Z14 003 00700

Titre : « 11 – TAHITI – Concours de danseuses, 14 Juillet – Competitive examination of dancing girls. 14th of July »

Auteur : G. SAGE

Éditeur: G. SAGE

Période: 1910-1930

Type : Carte postale

Description : Place du gouvernement, Fêtes du 14 Juillet. Au pied du Kiosque à Musique foisonné de drapeaux tricolores, un petit groupe de danseuses placées en cercle, participe activement au concours de danses organisés pour les festivités du 14 juillet. Elles sont vêtues d’une longue robe « missionnaire » blanche. Un « more » vient marquer leur taille, accentuant ainsi le mouvement de la danse. Un semblant de plastron en fibre végétale fait guise de couronne au cou, et à la tête, une couronne de fleurs pour certaines et en fibre végétale pour d’autre illumine leur visage. Les officiels et le jury sont installés sous le Kiosque à Musique. De chaque côté du kiosque, un abri fait de tôles et ornés de « nī’au » (palmes de cocotier) a été installé pour y recevoir les spectateurs. Tous sont vêtus de robes pour les femmes et de costumes pour les hommes. Un chapeau vient agrémenter la tenue de certains des spectateurs.

Droits : Droits réservés

13 JUIL 2017 Z14 002 00481

Titre : « 12 – TAHITI – Concours de danseurs indigènes, 14 Juillet – Competitive examination of Native dancer, 14th of July »

Auteur : G. SAGE

Éditeur: G. SAGE

Période: 1910-1930

Type : Carte postale

Description : 14 Juillet à Papeete. La population, toute de blanc vêtue, est massée de chaque côté des danseurs indigènes évoluant énergiquement au centre. Bien que le costume blanc soit toujours de rigueur, la touche traditionnelle est bien présente de part le port du « more » à la taille et d’un plastron en fibre végétale./p>

Source : Fonds Gutzwiller, Collection Archives PF

Droits : Droits réservés

Z14 002 00480

Titre : « 14 – TAHITI – Danseurs tahitiens – Tahitian Dancers »

Auteur : G. SAGE

Éditeur: G. SAGE

Période: 1910-1930

Type : Carte postale

Description : Place du Gouvernement. Officiels et jury sont installés sous le kiosque à Musique, qui, pour ces Fêtes du 14 Juillet, a été pavoisé de faisceaux de drapeaux. Sur chaque côté du kiosque, une tribune couverte, ornée de palmes de cocotiers et abritant certainement des personnalités et des invités, a été installées pour l’occasion. Les danseurs tahitiens, parés du costume traditionnel, présente leur spectacle.

Identifiant : Z14-002-00479

Source : Fonds Gutzwiller, Collection Archives PF

Droits : Droits réservés

11 JUIL 2017 Z14 002 00479
 

Titre : « 30 – TAHITI – Groupe de danseurs –– A group of dancers »

Auteur : G. SAGE

Éditeur: G. SAGE

Période: 1910-1930

Type : Carte postale

Description : Papeete, Fêtes du 14 juillet. Tout de blanc vêtus, danseurs et danseuses prennent la pose sous l’œil averti du photographe G. SAGE. Les hommes portent un ensemble blanc (pantalon et chemise) recouvert par un « more » et un plastron en fibre végétale. Quant aux femmes, une belle robe « missionnaire » blanche, une couronne de cou et de tête. Le regard est sérieux pour certains, un sourire timide pour d’autres.

Identifiant : Z14-002-00463

Source : Fonds Gutzwiller, Collection Archives PF

Droits : Droits réservés
10 JUIL 2017 Z14 002 00463

Dans la bibliothèque des archives de la Polynésie se trouvent quelques dossiers constitués par Bengt Danielsson, comportant des photocopies de documents conservés autrefois aux archives d’outre-mer rue Oudinot à Paris. Les documents présentés ici sont cotés Océanie A106 C20.

Il s’agit de deux copies conformes de deux lettres manuscrites. La première, datée du 15 novembre 1875, est écrite par le Chef inspecteur de police A. Villard, et s’adresse au Commandant Commissaire de la République[1]. Il lui annonce que le Sieur Marmouyet lui a déclaré qu’il allait porter plainte auprès du Procureur de la République contre le prince Tamatoa.

La seconde, datée du lendemain, le 16 novembre 1875, est écrite par Jean Marmouyet et s’adresse au Procureur de la République près les Tribunaux du Protectorat de Papeete, auprès duquel il dépose une plainte contre le prince.

Le prince Tamatoa est le quatrième fils de la reine Pomare. Il est né en septembre 1842 à Moorea. Il a été adopté par le roi de Raiatea, son grand-oncle Tamatoa IV[2]. À la mort de ce dernier, en 1857, Tamatoa lui a succédé et a été couronné roi de Raiatea-Tahaa sous le nom de Tamatoa V. Il a alors quinze ans. L’année suivante, il est déchu de son titre et quitte Raiatea pour Tahiti. Il reprend sa place en 1860. Il se marie en 1863 avec Moe Maheanuu a Mai. Mais son inconduite entraîne en 1865 la révolte des habitants (Il a dû prendre la fuite et se réfugier à bord d’une goélette appartenant au Consul des États-Unis[3]). Cette année-là, le commissaire impérial La Roncière écrit de lui : Véritable sacripant doué de tous les vices qui mènent au bagne[4]. Nouveau conflit contre lui en 1867. En 1868, il mène une vie déréglée à Tahiti. Banni de cette île en 1870, il revient à Raiatea. En 1871, il commet un meurtre ; il est alors déchu définitivement par ses sujets, et on le retrouve à Tahiti.

Le contentieux avec Marmouyet commence en 1873. Jean Marmouyet (1833-1906) était arrivé à Tahiti en 1866. Mécanicien dans l’artillerie de marine, il s’est fixé à Papeete où il exploite un atelier de mécanique et une forge[5]. En cette année, le prince a mis le feu chez S. M. la Reine. Marmouyet, “en [sa] qualité de serrurier“, a dû “procéder à des ouvertures chez lui, se tenant sous le coup de la loi comme incendiaire et s’étant évadé de prison“. Depuis cette époque, il ne se passe pas de jour où des menaces de tous genres sont faites contre nous (ceux qui ont été témoins de la scène) et principalement contre moi.” Le 7 septembre 1873, il avait porté plainte “au sujet d’injures, menaces et même voies de fait par lui contre moi”. Mais il rappelle que cette plainte n’avait pas été suivie d’effet “voulant me conformer aux sages conseils que vous m’avez donnés avec l’assurance que semblable fait ne se renouvellerait plus“.

Le Procureur avait donc voulu étouffer l’affaire.

Mais Tamatoa est un personnage impossible à calmer. C’est un malade comptant sur son ascendance royale pour laisser libre cours à ses instincts. À la fin de l’année 1875, dans une note sur “la santé des princes, fils de S. M. la reine Pomare“, le chef du service de santé écrit : “Tamatoa est atteint de diathèse strumeuse ; il a les membres inférieurs couverts le plus habituellement d’ulcères sordides ; je l’ai traité longtemps pour une carie des os du pied. Il est en proie à une syphilis constitutionnelle ; ses excès habituels, son ivrognerie, contrebalancent les effets des médications qu’il n’accepte que temporairement d’ailleurs, au moment des recrudescences de la maladie“. Il ajoute que, selon lui, les enfants de la reine sont atteints d’une tuberculose pulmonaire (cachexie) héréditaire.

Marmouyet expose ce qui va motiver sa plainte : “ Il m’est impossible, Monsieur le Procureur, de ne pas vous exposer de nouveaux faits à mon égard, lesquels se sont passés de la part de Tamatoa dans la matinée du dimanche 14 novembre ; ce jour vers les 5 heures du matin, je me suis trouvé au marché, le sieur Tamatoa y était également, et comme d’ordinaire en état d’ivresse, son paletot était à terre, me voyant et s’adressant à moi d’une manière arrogante, il me dit de le lui ramasser, sur mon refus bien naturel, il se répandit en injures contre moi, employant dans les langues Tahitien, Français et Anglais les termes grossiers de “canaille, cochon, Poua Farani et autres, que la décence ne permet pas de reproduire, puis me montrant plusieurs bijoux et entr’autres une grosse bague “Tu vois me dit-il, c’est l’Angleterre qui me l’a envoyée, je suis Roi avant tout, vous êtes tous mes sujets, et vous devez m’obéir ; haussant mes épaules à des propos semblables et m’ayant suivi par derrière, il me donna une poussée avec le poing fermé“.

Le chef inspecteur de police rapporte d’autres méfaits du prince : il vole un paquet de poissons et le revend pour aller boire ; il boit un café chez un Chinois et casse la tasse pour tout paiement ; il force un Chinois à ouvrir la bouche et crache dedans ; il insulte en canaque le commissaire de police, lequel ne comprend pas les phrases prononcées, mais que l’inspecteur traduit : “je me fo… de la police, ce n’est pas toi qui me feras peur, je t’emm…“. Et ce fonctionnaire ajoute : “J’ai l’honneur de vous prier, Commandant, de vouloir bien ordonner dès à présent que Tamatoa ne puisse plus mettre les pieds au marché, lieu ordinaire de ses exploits”.

Les autorités sont très embarrassées par ce personnage que sa mère, la Reine, protège – bon gré mal gré. À la fin des années 70, et jusqu’à son décès, il est domicilié à Papeete, quai de l’Uranie.

Dans le supplément au n° 40 du Messager de Tahiti, du 6 octobre 1881, un éloge funèbre lui est rendu, monument d’hypocrisie diplomatique : “La Famille royale vient encore d’être éprouvée par une perte douloureuse. Le prince Tamatoa V est mort le vendredi 30 septembre, à 8h1/2 du matin, après une courte et douloureuse maladie. Ancien roi de l’île de Raiatea, il était né à Moorea le 23 septembre 1842 et s’était marié le 12 juillet 1863 à Moe, fille de Maheanuu. Il laisse quatre enfants, quatre jeunes filles, dont l’aînée est à peine âgée de 12 ans. L’une d’elles est reine de Borabora. Tamatoa V a fait sous les ordres de l’amiral Du Petit-Thouars, et comme commandant des volontaires tahitiens, l’expédition des Marquises[6] : il y a fait preuve de qualités sérieuses. Très-aimé de tous, il laisse partout de nombreux regrets“.

[1]             Il s’agit alors d’Octave Gilbert-Pierre.

[2]             Tamatoa IV est le frère de Teremoemoe, épouse de Pomare II et mère de Pomare IV.

[3]             Lettre du Ministre au Commandant des É.F.O. du 9 avril 1866.

[4]             Cité par Anne-Lise Pasturel dans Raiatea, 1818-1945, thèse de doctorat, 2000.

[5]             D’après O’Reilly, Tahitiens, 1975.

[6]             Il s’agit de l’opération de pacification des Îles Marquises, en 1880, commandée par l’amiral Bergasse du Petit-Thouars.

Affaire Marmouyet Tamatoa 1
Affaire Marmouyet Tamatoa 2
Plainte 1
Plainte 2
Plainte 3
Plainte 4