Lettre de la reine Pomare IV à madame Bruat du 1er avril 1848

icone_encre_couleurs-en-coursCe document est une grande feuille de format 32,5×42 cm, d’abord pliée en deux. Cela donne 4 pages de format 21×32,5. La 1ère page est écrite en tahitien ; il n’y a rien sur la 2ème. Sur la 3ème, on lit la traduction en français. Sur la 4ème figure l’adresse : « Madame Bruat / Na Burua Vahine / Farani / Lettre de Pomare Arii ». Cette grande feuille a été pliée de sorte qu’elle se présente comme une lettre dont le dernier pli était collé et « scellé » par le cachet (coupé en deux après l’ouverture) : « ARII NO TAHITI É MORÉA && / POMARÉ VAHINE ».

À cette époque, le gouverneur Lavaud poursuit la politique engagée par Bruat (qui a quitté Tahiti en mai 1847), avec cependant plus de détermination à bien définir les conditions de fonctionnement du protectorat, conditions acceptées par la Reine dans la Convention qu’elle a signée le 5 août 1847.

Le 17 décembre 1847, la Reine Pomare IV accouche d’un cinquième garçon. Dans une lettre qu’il adresse au ministre à Paris, le gouverneur écrit que la Reine, avant la naissance, lui avait exprimé le désir que cet enfant « prît le nom d’un des fils du Roi des Français qui aurait eu alors sur cet enfant les mêmes droits que son père. […] J’ai répondu immédiatement par le nom de Joinville ».

François d’Orléans, prince de Joinville (1818-1900), est le 3ème fils (et 7ème enfant sur 10) du Roi Louis-Philippe, duc d’Orléans, et de Marie-Amélie de Bourbon. C’est un brillant officier de marine, qui se distingue sur de nombreux théâtres de conflits navals. (Son nom reste attaché au transfert des restes de Napoléon 1er en 1840.)

On sait l’importance du nom dans la mentalité tahitienne. La Reine, par ce lien, pensait créer une véritable alliance. Lavaud, qui n’a pas, comme Bruat, une connaissance et une empathie réelles pour les Tahitiens qu’il côtoie, semble se moquer : « Ces détails tout puérils qu’ils puissent paraître ont une haute portée politique ! »

Pendant quelques mois, de février à mai 1847, Pomare IV avait pu apprécier la gentillesse et la courtoisie du couple Bruat. Elle est sincèrement désolée de leur départ. Cette lettre qu’elle écrit à Madame Bruat semble ne pas être la première : « Mes lettres vous sont-elles parvenues, ou ne les avez-vous pas reçues ? » Elle exprime ainsi sa tristesse : « J’ai pour vous une vive affection. Mon cœur est plein de chagrin de votre absence ».

Elle annonce à son amie qu’elle a prénommé son nouveau-né Tuavira : « C’est le gouverneur qui l’a donné, et c’est là ce qui représente en tahitien le nom du fils de Louis-Philippe ». On pourrait penser que le courant passe bien entre elle et Lavaud, qui est le parrain. Mais deux jours plus tard (le 3 avril 1848), dans une autre lettre qu’elle adresse à Bruat, elle écrit : « Je n’ai pu m’accorder avec le nouveau Gouverneur. Il ne prête point l’attention à mes paroles. […] ». En fait, Pomare IV commence à prendre conscience des limites de son pouvoir, et elle espère avoir l’écoute directe des autorités à Paris. Or en février 1848, la Révolution a chassé Louis-Philippe, et Bruat, après quelques mois à Toulon, va partir comme gouverneur aux Antilles.

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