Au sujet de la fanfare locale 1889 – 1890

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En 1881, le Commandant Commissaire de la République Isidore Chessé décide de donner une structure officielle à la fanfare locale, « considérant que […] c’est à peu près le seul délassement public à Papeete ». (Arrêté du 5 avril 1881, Messager de Tahiti n°17 du 29/04/1881) Un crédit est inscrit au budget de la Colonie ; il est divisé en deux parties : pour les musiciens d’une part, pour l’habillement, l’entretien et le remplacement des instruments d’autre part. Il y a un chef de musique, 15 musiciens et 5 élèves. Des retenues sur les sommes allouées sont prévues en cas de manquement aux répétitions ou aux exécutions. La fanfare pourra être mise à la disposition des particuliers.

Le 19 novembre 1889, dans une lettre qu’il adresse au Chef de la fanfare,  le Directeur de l’Intérieur P. Maigrot se plaint du fait que les musiciens, depuis quelque temps, saisissent « le moindre prétexte pour ne pas jouer sur la place du Gouvernement ». « La fanfare locale, rétribuée sur les fonds du budget local, doit jouer deux fois par semaine, si par suite d’une circonstance fortuite le concert ne peut avoir lieu au jour indiqué, il importe que ce concert ait lieu, soit le lendemain, soit le surlendemain. » Il rappelle le devoir d’assiduité ainsi que la possibilité de sanctions financières.

Le samedi 25 janvier 1890, il pleut et le concert prévu ne peut avoir lieu. Le Directeur de l’Intérieur, dans une lettre qu’il adresse le 27 au Gouverneur, raconte : (Le lendemain dimanche) « Je fus très étonné à 8 heures 1/2 du soir d’entendre la fanfare, je crus que cette société, sans m’en avoir demandé l’autorisation, se faisait entendre dans une maison particulière, néanmoins je voulus m’en rendre compte. Quel fut mon étonnement, lorsque sur la place du Gouvernement, je vis le kiosque de la musique éclairé et les musiciens à leur poste. […] Je donnai immédiatement l’ordre de cesser le concert. » Interpellant le Chef pour lui demander qui avait autorisé cette prestation, ce dernier lui répond que c’était en raison des termes de la lettre qu’il lui avait adressée le 19 septembre.

Le Chef de musique a tort sur deux points. D’une part, il n’a pas demandé l’autorisation, qui lui aurait été refusée parce que, d’autre part, il s’agit du dimanche. Or « la question de la musique du Dimanche est toujours restée en suspens. »

Le Directeur de l’Intérieur est mal à l’aise dans cette histoire. En effet, il craint d’être la cible d’une manœuvre : « Je laisse à votre haute appréciation, Monsieur le Gouverneur, le soin d’examiner si ce fait, si simple par lui-même, n’est pas le résultat d’une cabale, car, si le concert avait été exécuté en entier, on n’aurait pas manqué de faire les réflexions suivantes – que le Directeur de l’Intérieur intérimaire, profitant de l’absence momentanée de Papeete du Chef de la Colonie[1], voulant faire de la popularité malsaine, a rétabli de sa propre initiative les concerts du Dimanche ». L’on retrouve cette ambiance « coloniale » faite de petits complots, de suspicion, de ragots, de méfiance…

On apprend que « les concerts du Dimanche » ont existé, et qu’ils ont été « suspendus ». Doit-on voir là un aspect du conflit latent entre l’administration et les missions religieuses ?

Maigrot demande envers le Chef de la fanfare « une punition disciplinaire sévère ».

Le dossier d’archives ne permet pas de voir la suite donnée à cette requête.

Mais dans une lettre du 22 novembre 1890, le Chef de la fanfare invite le Gouverneur à bien vouloir  honorer la fanfare « en assistant à la messe qu’elle fera célébrer à la cathédrale de Papeete, le samedi 22 du courant, à 8 heures du matin, à l’occasion de la fête de Sainte-Cécile».

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[1]     Le Chef de la Colonie, Théodore Lascascade, est absent du territoire du 29 octobre 1889 au 1er juillet 1890. C’est son Directeur de l’Intérieur Maurice d’Ingremard qui devient pour cette période Gouverneur par intérim, tandis que le rédacteur de la lettre, P. Maigrot, devient Directeur de l’Intérieur par intérim.

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