Rumeurs de vente de Tahiti aux Anglais (1905 – 1906)

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nzhLe 11 novembre 1905, le New Zealand Herald publie un long article sur la situation à Tahiti. Ce journal tient ses informations d’un article paru dans le New York Herald, rapportant les propos d’un scientifique français, Léon Gaston Seurat, revenant d’une mission dans les É.F.O. où il a étudié, entre autres, l’huître perlière . Il ressort de cette interview qu’à Tahiti règnent la désobéissance aux lois, l’immoralité, la corruption des fonctionnaires, etc, et que le Gouvernement français, dans son inaptitude à administrer ses colonies, pourrait abandonner ces îles. Après en avoir référé à son ministre de tutelle, le Consul français en Nouvelle-Zélande Robert Boeufve fait paraître un aricle dans ce même journal où il affirme que les déclarations attribuées à M. Seurat sont totalement imaginaires, en même temps qu’il dément les rumeurs d’abandon par la France de ses possessions dans les Mers du Sud. Il informe le Gouverneur des É.F.O. de cette démarche dans une lettre datée du 5 avril 1906.

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Mais le 19 septembre 1906, il écrit au Gouverneur Jullien qu’il a dû officiellement démentir une information parue dans le Auckland Star, selon laquelle la France abandonnerait Tahiti et les îles dépendantes.

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En effet, dans son numéro du 12 septembre 1906, le Auckland Star titre : « Britain and Tahiti – Withdrawal of French Troops ». Le Consul envoie cet article avec sa lettre. Nous en avons un brouillon de traduction. Tout l’article repose sur les affirmations de l’ancien Consul américain à Tahiti Dorence Atwater. Ce dernier (1845-1910) est un homme d’affaires, marié en 1875 à l’une des filles d’Alexandre Salmon, Moetia. Ce mariage « avec l’une des plus riches héritières de Tahiti, lui a apporté des biens territoriaux dans l’archipel et des intérêts dans les pêcheries de perles » (O’Reilly). À San Francisco, où il passe une bonne partie de son temps, il ne se prive pas de répandre la rumeur selon laquelle la France prépare l’abandon de sa colonie. Il se fonde sur des faits qu’il a constatés : « les autorités françaises semblent apporter à l’exécution de leurs plans en supprimant graduellement les magasins du gouvernement, les munitions, beaucoup de machines de valeur, et en rappelant les forces militaires et navales ».

Le 18 septembpbhre 1906, un autre journal de Nouvelle-Zélande (le Poverty Bay Herald) a écrit : « TAHITI POURRAIT DEVENIR BRITANNIQUE » – M. Atwater, grand propriétaire à Tahiti, confirme l’information selon laquelle la France est prête à céder les îles à la Grande-Bretagne. M. Atwater dit que « l’Angleterre a toujours en sommeil une revendication sur cette possession. Les affaires y vont mal ; tout est hypothéqué ; le commerce du coprah est en déclin, il ne reste que la perle. Le correspondant du New-York Sun’s affirme que M. Atwater est parfaitement renseigné sur ces îles

Ces faits sont-ils exacts ?

Le 17 janvier 1905, le Ministre des Colonies Gaston Doumergue écrit au Gouverneur qu’il est d’accord avec son analyse sur le domaine d’Atimaono : « L’aliénation de ces terres serait de nature à apporter un palliatif à la crise économique qui pèse si lourdement sur votre économie ».

Le 31 mars 1905, le Gouverneur fait part au même Ministre de son inquiétude en apprenant « la suppression du détachement d’infanterie restant à Tahiti. […] Je ne puis qu’exprimer mon profond regret d’une telle mesure qui, concordant avec le départ de la Zélée, place notre colonie dans uns situation désastreuse ». De plus, il précise qu’il ne va plus pouvoir procéder, pour faire de sérieuses économies, à la réduction des effectifs de la Gendarmerie. Il regrette qu’on délaisse à ce point l’établissement de sorte que « le pavillon de la France n’y est plus appuyé d’aucune force [et] semble livré, par l’indifférence de la métropole, à toutes les manœuvres sinon à toutes les convoitises étrangères ».

Le 6 août, le Receveur de l’Enregistrement et des Domaines à Papeete écrit au Gouverneur à propos de « la remise aux domaines, pour être vendu au profit du Trésor, du Magasin des Subsistances ». Il précise : « Je l’ai visité et ai pu me rendre compte qu’il est en fort mauvais état, le bâtiment principal menaçant ruine et les autres étant eux-mêmes fort endommagés par le raz de marée du 7 et 8 février dernier ».

Vente de terres, départ des troupes, ventes de bâtiments : tout cela fait partie d’un plan de restrictions budgétaires et d’un redéploiement des forces, mais il n’en faut pas plus au Consul Atwater pour prédire le départ des Français, qui seraient vite remplacés par les Anglais… avec lesquels la famille Salmon a de grandes affinités ! L’article se termine ainsi : « M. Atwater est un gros propriétaire foncier à Tahiti, et fut le Consul des États-Unis d’Amérique pendant plusieurs années. Il a une connaissance approfondie des affaires du pays. Il semble sûr que le pavillon britannique va remplacer le pavillon français sur la plus belle de toutes les îles du Pacifique Sud.»

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