Lettre de la R:.L:. l’Océanie française n°350 à monsieur Cardella, maire de Papeete le 18 novembre 1902

Cette lettre est dactylographiée recto-verso sur les deux premières pages d’un feuillet de quatre pages, chacune de dimensions 21,7×28,1 cm. La première page est à en-tête. Il s’agit de la copie conforme d’une lettre écrite le 18 novembre 1902 adressée au maire de Papeete François Cardella (1838-1917). Cette copie fut rédigée au moins huit ans après l’original, car l’année pré-imprimée comporte un 1 à la place des dizaines.

Elle nous apprend que Cardella était franc-maçon dans cette loge depuis le 30 décembre 1868.

Cardella était arrivé dans le royaume de la Reine Pomare le 14 février 1866. La seule loge maçonnique existant alors s’appelait « Océanie française ».

Or, d’une part, cette loge ferma ses portes au début de l’année 1869, et d’autre part la loge « L’Océanie française » débuta officiellement en mars 1903. Cela semble signifier que, pendant 34 ans, les nombreux frères vivant en Océanie orientale pratiquaient leur maçonnerie en dehors d’une structure connue en métropole. Ils avaient un lieu de rendez-vous : on lit dans le JO des ÉFO, en 1889, que la société La Fraternelle se réunissait « au temple maçonnique, rue des Beaux-Arts ». Le nom de la loge fut à peine modifié. C’est le médecin Charles Albert Chassaniol (1843-1927), familier de la Reine Marau, qui signa (à l’encre bleue) cette lettre, en tant que vénérable.

C’était une lettre de soutien que « les membres de la loge maçonnique » adressèrent au maire à la suite des ennuis qu’il rencontra en 1902.

Le 23 août 1902, en effet, le gouverneur Petit l’avait suspendu, pour trois mois, de ses fonctions de maire, sans préciser les motifs. Il en fut fait mention officiellement longtemps après, dans le JO des ÉFO du 25 juin 1903 : « Considérant que le sieur Cardella, conseiller général sortant, n’était pas candidat, il n’en a pas moins adressé, le 21 août 1902 [la veille des élections pour le renouvellement des membres du Conseil général], aux électeurs de la première circonscription, une proclamation dont la violence a amené sa suspension comme maire […]» ». L’argumentation était bien mince. Précisons que le gouverneur Petit avait, selon les francs-maçons de l’époque, une femme « bigote fanatique », et il faisait tout pour lui plaire ainsi qu’aux « cléricaux catholiques acharnés à contrecarrer la fondation d’une loge maçonnique à Papeete ». Cardella avait été, comme il est rappelé à la fin de la lettre, un précurseur pour la laïcité, avec Victor Raoulx et Paul-Georges Martiny, tous les trois fondateurs en 1884 du journal politique hebdomadaire Le Messager de Tahiti.

Le 7 octobre, par décret, il fut révoqué définitivement. (C’est peu après que la lettre a été écrite.) Le 2 décembre, c’est Langomazino qui fut élu, mais il se considéra comme maire provisoire. D’ailleurs, il démissionna le 9 octobre 1903 et le 28 octobre, Cardella fut à nouveau élu maire de Papeete, fonction qu’il allait occuper jusqu’à sa mort en 1917.

Cette décision gubernatoriale était qualifiée « d’inique ». Elle « est digne d’un gouvernement autocratique et despotique et non d’une République libérale ». Et c’est un fait que le gouverneur était tout-puissant. La démocratie pratiquée en métropole était lettre morte dans la colonie.

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