Lettre de la Reine Pomare IV à madame Bruat du 20 octobre 1862

Cette lettre de Pomare IV est une feuille de format 13,5×21 cm, écrite recto-verso en français.

L’écriture est appliquée, c’est peut-être celle de son fils.

La Reine avait conservé des liens avec Madame Bruat, qui avait quitté Tahiti avec son mari le 31 mai 1847. Un Tahitien, Tariirii, chef de Mahina, fit le voyage avec eux (il revint en 1849).

L’amiral Bruat aura eu un destin tragique : alors qu’il revenait de la guerre de Crimée, il contracta le choléra et mourut à bord du Montebello le 19 décembre 1855. (Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise.) La nouvelle fut connue à Tahiti. Voici ce qu’écrivirent des Tahitiens à Mme Bruat en 1857 : « Nous avons pleuré la perte immense que vous avez faite dans la mort de votre illustre époux et à nous notre vénéré Père et Protecteur. Bruat est mort. Nous n’avons plus en France de protecteur si ce n’est vous, Madame ; et l’Empereur qui a si bien apprécié Bruat et a si dignement su vous récompenser par la place que vous occupez près de son fils ».

En effet, en 1856, sa veuve avait été nommée gouvernante de la Maison des Enfants de France (institution créée en 1810 pour les enfants de la famille impériale).

C’était un titre purement honorifique. Le prince Louis-Napoléon, qui venait de naître cette même année, sera élevé par sa mère, l’Impératrice Eugénie. Madame Bruat (que l’on désigne par : « Son Excellence Madame la Gouvernante ») qui avait une voiture à sa disposition, venait tous les jours voir le Prince. Dans les cérémonies, sa charge l’appelait à porter l’enfant impérial.

Depuis 1847, les différents Commissaires auprès de la Reine Pomare avaient le souci de promouvoir la langue française chez les Tahitiens. En février 1847, Bruat avait suggéré au Ministre que « dans l’état actuel de tranquillité de nos établissements », il serait bon de « conduire en France où ils seraient instruits aux frais du Gouvernement, six ou huit jeunes gens, fils des principaux chefs du pays ». Fin 1847, huit jeunes furent envoyés en France, avec parmi eux Taatarii, qui fut nommé interprète du gouvernement à son retour. En 1860, le jeune Tehia (Teiha dans la lettre de la Reine), fils de Tariirii, fut envoyé chez les Frères des écoles chrétiennes à Passy. Il sera de retour à Tahiti à la fin de 1863.

En novembre 1862, le commandant Gaultier de la Richerie fit partir sept jeunes Tahitiens. Parmi eux : Tuavira, fils de la Reine, à destination du pensionnat Notre-Dame de Toutes Aides, près de Nantes, où ils arrivèrent le 27 février 1863. On peut penser que la lettre de Pomare IV avait fait le même trajet (sur la frégate l’Isis). La Reine souhaitait que son amie cherchât « une bonne école pour lui […], qu’il habite la même localité [que vous] et que vous soyez son bon soutien et sa bienfaitrice ». Elle lui recommandait aussi les autres garçons.

La présence de ces jeunes protestants dans une institution catholique allait susciter une vive polémique en France. Mais la Reine voulait que son fils restât chez les Frères. S’adressant au Supérieur général, elle écrivait : « Fais bien connaître à l’Empereur ma volonté formelle : que mon enfant reste entre tes mains à Nantes ». Les autres jeunes Tahitiens ne souhaitaient pas aller chez les protestants. Tuavira passera ses hivers dans le Sud-Ouest. À ce sujet, on peut lire dans le Supplément au n°15 du Messager de Tahiti du 10 avril 1875 : « Son séjour en France a été marqué par un épisode intéressant. Le 6 janvier 1864, le marquis de Bertrand-Moleville, petit-fils du ministre de l’infortuné Louis XVI, donnait au jeune et royal écolier et à ses cinq compagnons, une fête dans son château de Ponsan[1]. C’est là que Joinville a vu pour la première fois ce produit de notre climat, la glace. Curieux de toucher cette merveille qui lui était inconnue, il courait, se précipitait vers cette nouveauté qui frappait ses regards et dont la formation lui semblait magique. Un arbre fut planté à cette occasion aux abords du château, comme témoin durable de sa visite et de l’affectueuse hospitalité qu’il y avait reçue ».

La Reine ayant souhaité que son fils fût présent au mariage de sa sœur, la Reine de Bora Bora, ils rembarquèrent le 3 juin 1865 à Brest sur la Néréïde. Leur voyage les fit passer par Le Cap, La Réunion, Madagascar, Sydney, la Calédonie et Tahiti où ils arrivèrent le 14 février 1866.

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[1]     Dans le Gers.

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