Demande d’indications sur l’état des choses à Taïti, en ce qui concerne le Clergé 31 août 1847

Lorsqu’il écrivit sa lettre au Gouverneur Lavaud, le 31 août 1847, le Duc de Montebello, Ministre Secrétaire d’État de la Marine et des Colonies, avait pris connaissance des derniers développements de la guerre coloniale, qui avait pris fin au 1er janvier de cette année, et du retour à Tahiti, le 9 février, de la Reine Pomare IV « qui paraît désormais accepter franchement le protectorat et ses conséquences ».

Le Ministre se souvenait des premiers pas de l’autorité française à Tahiti.

En 1836, deux missionnaires catholiques, les pères picpussiens Caret et Laval, venant de Mangareva, avaient débarqué à Tautira et s’étaient rendus à pied à Papeete. Ils furent rapidement expulsés.

En 1838, de passage à Tahiti, Du Petit-Thouars exigea des excuses, une indemnisation et le salut au drapeau français. Un traité de paix perpétuelle et d’amitié entre les Français et les habitants de Tahiti fut signé le 4 septembre 1838. L’année suivante, le libre exercice du culte catholique était reconnu. Moerenhout, le consul de France, insista auprès de Du Petit-Thouars pour que celui-ci, qui venait d’annexer les Marquises, établît le protectorat de la France sur le royaume. La Reine, sous l’emprise du consul anglais Pritchard (qui n’était plus pasteur), adopta une attitude qui entraîna un conflit qui allait durer quatre ans. Les Français eurent le temps de prendre la mesure de l’importance de la religion protestante chez les Tahitiens. C’est pour cette raison que le Ministre écrivit : « Nous devons éviter avec soin tout ce qui serait de nature à troubler cet état de choses et à amener de nouvelles complications. Sous ce rapport, je crois à propos d’appeler votre attention sur ce qui concerne le Clergé catholique ».

Le Ministre était conscient que “le personnel d’agens français, civils et militaires, qui est réuni à Papeïti peut comporter et même rendre nécessaire la présence, sinon continuelle, au moins fréquente, de quelques prêtres catholiques ». Mais il se méfiait. D’après ses informations, il n’y avait que deux prêtres en 1845 à Papeïti, M.M. Orens et Amable . Il insistait auprès de Lavaud de bien exiger « qu’ils s’abstiennent avec soin de toute tentative de prosélytisme sur la population indigène ». Il craignait avant tout « de nouveaux conflits avec les Missionnaires étrangers ». Mais politiquement, la situation d’emprise des missionnaires anglais sur la population indigène, « sans contrepoids à leur influence », eût pu devenir « un véritable inconvénient ». Il demandait donc au Gouverneur d’examiner « personnellement et secrètement s’il y aurait utilité à envoyer à Taïti (…) un ou deux Ministres français, appartenant au culte protestant ». Ces pasteurs seraient « entretenus au compte du Gouvernement ».

La « rémunération » du clergé dans l’Océanie n’était pas nouvelle. En 1843, l’amiral Roussin écrivait au Gouverneur Bruat à propos des prêtres missionnaires aux Marquises : « Vous réunissez dans vos mains des moyens suffisants pour obtenir que l’action de ces prêtres se combine avec la pensée de votre administration. Vous savez qu’une convention a été passée avec le supérieur de la maison de Picpus, et que, par elle, le département de la marine a consenti à reconnaître, à chacun des membres de cette congrégation qui exercent leur saint ministère dans notre établissement, un traitement et des frais d’installation. Cette condition servira naturellement votre influence sur ce personnel religieux. Sans vous immiscer dans la direction spirituelle que le chef des missions de l’Océanie imprimera seul aux démarches des missionnaires, il vous sera possible, précisément en considération des dépenses que le département de la marine fait tant pour les prêtres que pour le service du culte, de vous concerter avec M. l’évêque [Mgr Baudichon] et d’obtenir de lui le redressement des actes qui vous paraîtraient répréhensibles, et le changement des ecclésiastiques qui feraient obstacle aux vues de votre administration. Les rapports qui s’établiront à ce sujet sont d’une nature trop délicate pour que je ne compte pas que vous y mettrez toute la réserve et toute la circonspection désirables ». (cité dans Guizot, Mémoires)

Le Ministre annonçait que pour 1848, il maintenait au budget « la prévision d’un seul prêtre pour Papeïti ».

La fin de la lettre fait état d’une réclamation de Mgr l’Archevêque de Calcédoine : il s’agissait de Mgr Bonamie, Supérieur général de la congrégation des prêtres de Picpus, à Paris. Le ministère aurait été redevable de « deux indemnités de trousseau (…) acquises à des prêtres alors destinés pour les Marquises ». Le Ministre demandait à Lavaud de vérifier et de solder cette dette si elle était avérée.

L’installation des catholiques allait s’accélérer avec l’arrivée, en février 1849, de Mgr Stéphane Jaussen, évêque in partibus d’Axieri.

En 1860, l’Assemblée législative demandait au Commissaire impérial l’envoi de pasteurs protestants français, et en 1863, arrivaient les deux pasteurs Arbousset et Atger.

Le dernier pasteur anglais, William Howe, quittait Tahiti cette même année 1863.

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